Les virus évoluent constamment sur le plan génétique, de façon plus ou moins rapide selon les espèces. Pour un virus à génome ARN comme le SARS-CoV-2, l’évolution génétique suite à des mutations ou des recombinaisons est donc un phénomène attendu. L’émergence de ces variants peut avoir un impact sur la dynamique de l’épidémie ou l’efficacité des mesures de prévention (tests, vaccins, molécules thérapeutiques). Elle a nécessité la mise en place d’une surveillance épidémiologique et virologique dédiée s’appuyant sur des capacités d’analyse moléculaire, notamment par le séquençage, renforcées.
Les connaissances ainsi produites sont essentielles pour orienter et renforcer les mesures de maîtrise du risque lié à la COVID 19 en population, éclairer les décisions publiques, mais aussi, dans le cadre plus large des maladies infectieuses émergentes, mieux comprendre et anticiper les futures épidémies.
EMERGEN en bref
Le projet EMERGEN (Consortium pour la surveillance et la recherche sur les infections à pathogènes EMERgents via la GENomique microbienne), coordonné par Santé publique France et l'ANRS|Maladies infectieuses émergentes, vise à déployer sur l’ensemble du territoire national un système de surveillance génomique des infections à SARS-CoV-2. Il s’agit d’une première étape (2 ans) d’un réseau de séquençage en soutien des activités de surveillance et de recherche sur les maladies infectieuses émergentes (virales, mais aussi bactériennes, fongiques ou parasitaires). Il combine des activités de surveillance conduites sous l’égide de Santé publique France et du Centre national de référence Virus des infections respiratoires, et des activités de recherche conduites sous l’égide de l’ANRS|Maladies Infectieuses Emergentes.
Objectif : suivre l'évolution génétique du virus SARS-CoV-2 pour détecter l'émergence et la distribution spatio-temporelle de variants, c’est-à-dire de virus présentant des mutations susceptibles d'avoir des conséquences fonctionnelles, comme par exemple l’infectiosité, la contagiosité, la virulence ou l’échappement immunitaire.
Le projet EMERGEN repose sur un consortium pluridisciplinaire regroupant des expertises complémentaires : prélèvements d’échantillons, préparation des échantillons pour le séquençage et séquençage, analyse bioinformatique des génomes, publication des données dans les bases de données nationales et internationales, analyse à des fins de surveillance (enquêtes Flash) ou d’analyse de risque (classification des variants en préoccupants, à suivre ou en cours d’évaluation), découverte éventuelle et caractérisation fonctionnelle de nouveaux variants, travaux de recherches sur leur impact épidémiologique et fonctionnel.
La surveillance génomique : un pilier majeur de la lutte contre la pandémie de COVID-19
La surveillance génomique du SARS-CoV-2 est aujourd’hui l’un des piliers de la lutte contre la pandémie de COVID-19 à l’échelle nationale et internationale. Si les tests RT-PCR dits « de criblage » permettent d’identifier la présence de certaines mutations et de suspecter des variants déjà connus, le séquençage (NGS) du génome complet du virus reste la seule technique qui permet de les confirmer, de détecter de nouveaux variants émergents, et d’en préciser les mutations qui les caractérisent.
En France, cette surveillance relève des missions du Centre national de référence (CNR) Virus des infections respiratoires (Institut Pasteur) et de ses laboratoires associés (Hospices civils de Lyon et Institut Pasteur de la Guyane) ; elle est conduite en lien étroit avec Santé publique France. L’émergence de nouveaux variants du SARS-CoV-2 a toutefois rendu nécessaire d’adjoindre d’autres capacités de séquençage à celles d’ores et déjà mises en œuvre par le CNR, afin de permettre un suivi plus précis et plus réactif de la circulation des variants sur le territoire national.
C’est pourquoi, dès le mois de janvier 2021, les ministères chargés de la Santé et de la Recherche ont confié à Santé publique France et à l’ANRS|Maladies infectieuses émergentes la création et le pilotage du consortium EMERGEN pour déployer sur le territoire national un système de surveillance génomique du SARS-CoV-2 à des fins de santé publique et de recherche.
Les 3 axes du Consortium EMERGEN
- Identifier la part des différents variants circulant sur le territoire (enquête Flash) afin de décrire et de suivre leur circulation et leur évolution dans le temps sur le territoire
- Identifier de nouveaux variants par l’analyse en continu de la base nationale constituée des résultats de séquençage et des métadonnées associées, quelle que soit leur indication (surveillance, clusters, réinfection, etc.)
- Nourrir des projets de recherche à partir de ces données normalisées, centralisées et partagées
Quatre piliers stratégiques dans la lutte contre la pandémie de COVID-19
- En amont du séquençage, la collecte des prélèvements positifs réalisés chez les patients, qu’ils soient issus de l’activité des laboratoires de virologie hospitaliers, des laboratoires de biologie médicale ou de médecins généralistes du réseau Sentinelles. Cette collecte répond à une liste d’indications prioritaires pour le séquençage, et doit concerner l’ensemble du territoire (métropole et DOM).
- Dans le cadre de la surveillance génomique du SARS-CoV-2, les prélèvements positifs (RT-PCR) qui sont à adresser aux différents laboratoires de séquençage doivent être accompagnés d’un bon d’envoi. Ce bon d’envoi doit être joint au colis contenant les prélèvements et doit être en parallèle envoyé par messagerie sécurisé au laboratoire séquenceur destinataire de ces échantillons. Télécharger le bon d'envoi activité de séquençage (26/07/21).
- Séquençage des génomes viraux :
- 4 plateformes de virologie avec des capacités de séquençage à haut débit, qui centralisent et analysent notamment les prélèvements pour séquençage à visée de surveillance (enquêtes Flash) : il s’agit des deux laboratoires du CNR Virus des infections respiratoires (Laboratoires de l’Institut Pasteur et des Hospices Civils de Lyon) et de deux CNR – Laboratoires experts pour l’appui au séquençage du SARS-CoV-2 (le CHU Henri Mondor (AP-HP) et le pôle infectieux de l’APHM à Marseille). Ces 4 plateformes seront prochainement complétées par quelques autres, sélectionnées après appel à manifestation d’intérêt ;
- un réseau de laboratoires de proximité pour le séquençage à visée interventionnelle (clusters, autre situation anormale), chez des cas positifs de retour de l’étranger ou après criblage positif : répartis sur l’ensemble du territoire, ces laboratoires appartiennent à un réseau coordonné par l’ANRS|MIE ou, depuis le 19 juin 2021, sont des laboratoires de biologie médicale (LBM) bénéficiant d’un conventionnement avec leur ARS pour répondre à ces besoins ;
- L’intégration progressive d’autres structures permet ainsi d’accroître les capacités nationales de séquençage
- En aval du séquençage, une plateforme bioinformatiquepermettant d’héberger et partager l’ensemble des données issues du séquençage : nommée EMERGEN-DB, son développement et sa maintenance ont été confiés par Santé publique France à l’Institut Français de Bioinformatique (IFB). Elle permet l’analyse et la mise à disposition des données issues de plusieurs milliers de génomes produits chaque semaine. Cette base de données est accessible aux épidémiologistes de Santé publique France et aux chercheurs au sein d’un espace numérique sécurisé. Elle rend possible la restitution d’indicateurs de surveillance, des analyses de risque et la conduite de plusieurs travaux de recherche.
- Le partage des données grâce au dépôt des séquences produites visant à alimenter deux bases internationales, dans une approche « sciences ouvertes » :
- GISAID (Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data) pour un partage rapide avec la communauté internationale de virologie,
- European Nucleotide Archive (ENA) pour ouvrir l’accès à l’ensemble des données brutes de séquençage et permettre des ré-analyses approfondies.
Zoom sur l’appel à manifestations d’intérêt auprès des laboratoires publics et privés
Dès sa mise en place, le Consortium EMERGEN a permis de mobiliser les principaux laboratoires de virologie disposant de fortes capacités en séquençage (CNR Virus des infections respiratoires et CNR-Laboratoires experts pour l’appui au séquençage du SARS-CoV-2 : APHP Mondor, Créteil et APHM, Marseille) et les laboratoires hospitaliers du réseau de virologie ANRS | Maladies infectieuses émergentes. Cependant, l’activité de séquençage devait se développer, non seulement en termes de capacités de séquençage mais aussi et surtout en termes de capacité à accéder aux prélèvements issus des patients atteints de la COVID-19.
Dans cet objectif, Santé publique France a lancé en mai 2021 un appel à manifestations d’intérêt dans l’objectif de compléter les capacités de séquençage génomique du SARS-CoV-2 à des fins de surveillance (sélection aléatoire) par un volume complémentaire cumulé pouvant atteindre, en fonction du niveau de l’épidémie, jusqu’à 5 000 séquences hebdomadaires.
- En savoir plus - SARS-CoV-2 : appel à manifestations d'intérêt (26/05/21)
Membres partenaires du Consortium EMERGEN
- Santé publique France
- ANRS|Maladies infectieuses émergentes
- CNR Virus des infections respiratoires (Institut Pasteur et Hospices civils de Lyon)
- Laboratoires experts pour l’appui au séquençage du SARS-CoV-2 (APHP Henri Mondor, Créteil et APHM, Marseille)
- Réseau des laboratoires de virologie ANRS | Maladies infectieuses émergentes
- Institut Français de Bioinformatique (IFB)
- Inserm ITMO Technologie
- Anses
- Centre National de Recherche en Génomique Humaine (CNRGH/CEA)
- Unité des virus émergents (UMR UVE), Marseille
- Réseau Sentinelles