Si les Français ont globalement accepté les confinement dûs à l’épidémie de Sars-CoV-2 et continuent d’appliquer les gestes barrières, seule la vaccination de masse peut permettre d’endiguer cette épidémie et de retrouver une vie normale. Or, la vaccination est un choix individuel. C’est pourquoi il est primordial pour les autorités sanitaires d’anticiper les intentions des Français en matière de vaccination contre la COVID-19. Dans cette optique, Santé publique France et ses partenaires ont lancé une enquête visant à mieux comprendre l’adoption des mesures de protection et mesurer les intentions de vaccination contre la COVID-19 dans la population adulte âgée de 18 à 64 ans.
Objectifs
L’étude « CoVaPred » a deux objectifs :
- mieux comprendre les mesures de protection adoptées par la population contre la COVID-19
- évaluer les intentions de vaccination lorsque les nouveaux vaccins contre la COVID-19 seront disponibles
Déroulement de l’enquête
Cette étude s’adresse à toutes les personnes âgées de 18 à 64 ans et résidant en France métropolitaine. L'étude s'appuie sur deux échantillons représentatifs interrogés fin juin et en décembre 2020 ainsi que la participation spontanée à l'enquête à partir des sites officiels d'information (Santé publique France, Ameli) et des réseaux sociaux (CoVaPred sur facebook, twitter et instagram). II suffit pour cela de répondre à un questionnaire en ligne.
Contenu du questionnaire
Le questionnaire, accessible depuis un ordinateur ou un smartphone, est constitué de cases à cocher. Il ne nécessite pas de rédiger des réponses. Il n’y a pas de « bonnes » ou de « mauvaises » réponses : il s’agit simplement de recueillir l’opinion de la personne qui répond le jour de sa participation à l'enquête. Compléter le questionnaire prend environ 15 minutes. La participation à l'enquête est anonyme.
Les résultats de l'étude auront d’autant plus de signification que le nombre de participants sera élevé.
Résultats de la 1re vague d'enquête (été 2020)
A quoi sert le port du masque contre la COVID-19 ?
Le port du masque permet de diminuer le risque de transmission des virus respiratoires dont le SARS-CoV-2. Selon la littérature scientifique, son efficacité est plus importante lorsque le masque est porté par tout malade présentant des symptômes (notamment la toux). Son efficacité devient maximale lorsque le masque est porté par tous, malades comme non-malades.
Dans le contexte particulier de l’épidémie de SARS-CoV-2, tout malade de la Covid-19 doit s’isoler pendant au moins 8 jours et jusqu’à disparition complète des symptômes. En conséquence, le risque de transmission du SARS-CoV-2 est largement diminué (tous les malades de la Covid-19, à fort risque de transmission, sont isolés de la population) mais il persiste insidieusement (les personnes infectées « asymptomatiques » ou « pré-symptomatiques », à faible risque de transmission, restent dans la population). Dans ce contexte particulier, à quoi sert le masque ?
- 59% des personnes de 18 à 64 ans considèrent que le port du masque sert surtout à protéger les autres (en évitant de contaminer les autres en cas d’infection « asymptomatique » ou « pré-symptomatique »),
- 35% considèrent que le port du masque sert surtout à se protéger soi (en évitant d’être contaminé(e) par les autres qu’ils soient symptomatiques, pré-symptomatiques ou asymptomatiques),
- 6% des personnes interrogées considèrent que le port du masque ne sert à rien (le risque de contamination et/ou l’efficacité du port du masque étant jugés trop faibles),
- La diversité des opinions exprimées sur le port du masque (et les déterminants sous-jacents), n’est pas sans conséquence sur l’adhésion au port du masque : les personnes qui perçoivent que le port du masque « sert surtout à se protéger soi » portent le masque plus systématiquement que celles qui perçoivent que le port du masque « sert surtout à protéger les autres », et bien plus encore que celles qui perçoivent que le port du masque « ne sert à rien ».
Une étude approfondie des opinions exprimées révèle que :
- Les hommes sont plus enclins que les femmes à trouver que le port du masque « ne sert à rien »
- Les personnes ayant fait des études, notamment des études supérieures, perçoivent plus souvent que le port du masque « sert surtout à protéger les autres »
- Les personnes suivant parfois, voire jamais, les recommandations vaccinales trouvent que le port du masque « ne sert à rien »
- Les personnes qui perçoivent que la maladie Covid-19 n’est « pas grave du tout » considèrent plus souvent que le port du masque « ne sert à rien » ; a contrario les personnes qui perçoivent que la maladie Covid-19 est « très grave » considèrent plus souvent que le port du masque « sert surtout à se protéger soi »
- Les personnes « à risque » de maladie COVID-19 grave (tabagisme, obésité, hypertension, diabète, maladie chronique) et les plus âgées (50-64 ans) ne perçoivent pas plus souvent que le port du masque « sert surtout à se protéger soi »
A noter que ces résultats sont identiques si l’analyse est conduite sans prendre en compte la perception de la gravité de la maladie COVID-19.
Source : Etude CoVaPred enquête V1 (échantillon représentatif de 2 000 adultes âgés de 18-64 ans interrogés du 26/06 au 03/07).
Note : Odds-ratios (OR) et intervalles de confiance à 95% (IC 95%) estimés par un modèle logistique multinomial après ajustement sur les variables de stratification dans l’enquête (sexe, âge, diplôme obtenu le plus élevé, taille du foyer, taille d’agglomération de résidence, région de résidence en France métropolitaine) et les facteurs de risque de maladie Covid-19 grave déclarés dans l’enquête (tabagisme, obésité, hypertension, diabète, maladie chronique, grossesse).
Conclusion
Le port du masque devient obligatoire dans de nombreuses villes (août 2020) et les entreprises (septembre 2020). Les résultats de cette étude conduite début juillet suggèrent que l’adhésion à cette nouvelle mesure de santé publique sera plus importante chez les personnes qui perçoivent que le port du masque « sert surtout à se protéger soi ». Les résultats suggèrent aussi que les personnes de moins de 65 ans n’identifient pas correctement lorsqu’elles sont « à risque » de maladie COVID-19 grave et, le cas échéant, la nécessité de porter systématiquement un masque pour « se protéger soi ».
Les "jeunes" protègent-ils les "vieux" contre la COVID-19 ?
L’infection à SARS-CoV-2 est très contagieuse (R0≥3) et plus contagieuse que la grippe saisonnière (R0≈2). La maladie COVID-19 qu’elle peut entraîner est le plus souvent bénigne mais peut être grave en particulier chez les personnes âgées : plus de 9 décès sur 10 attribués à la maladie COVID-19 sont enregistrés chez les personnes âgées de 65 ans ou plus. En conséquence, il est recommandé aux personnes âgées de limiter les visites à l’essentiel depuis le début de l’épidémie de SARS-CoV-2. Dans ce contexte particulier, dans quelle mesure la population âgée de 18 à 64 ans évite-t-elle de voir ses proches âgés de 65 ans ou plus ?
Après exclusion de 294 (15%) personnes ayant déclaré ne pas avoir de proches de plus de 65 ans, l’analyse des réponses des 1 706 (85%) autres personnes montre qu’une majorité (71%) des personnes âgées de 18 à 64 ans évitent de voir leurs proches âgés de plus de 65 ans. Cependant, seules 15% évitent systématiquement de les voir.
Une étude plus approfondie du comportement d’évitement révèle que :
- Les différences de comportement d’évitement des adultes jeunes sont encore plus marquées : les adultes de 18 à 24 ans déclarent trois fois plus souvent « éviter systématiquement de voir leurs proches de plus de 65 ans » par rapport aux adultes âgés de 55-64 ans. A noter que les résultats présentés ne seraient pas modifiés par la prise en compte dans l’analyse des personnes ayant déclaré ne pas avoir de proches de plus de 65 ans
- Plus les adultes sont jeunes, plus ils évitent de voir leurs proches de plus de 65 ans
- Par rapport aux célibataires, les personnes en couple évitent plus souvent de voir leurs proches de plus de 65 ans
- Les personnes ne suivant jamais les recommandations vaccinales protègent aussi moins souvent leurs proches de plus de 65 ans
- Le comportement d’évitement des proches de plus de 65 ans est d’autant plus prononcé que les personnes perçoivent que la maladie Covid-19 peut être grave
On peut noter aussi que le sexe, le niveau d’éducation, la taille d’agglomération de résidence ou la région de résidence ne sont pas associés de façon indépendante au comportement d’évitement des proches de plus de 65 ans.
Source : Etude CoVaPred enquête V1 (échantillon représentatif de 2 000 adultes âgés de 18-64 ans interrogés du 26/06 au 03/07).
Note : Odds-ratios (OR) et intervalles de confiance à 95% (IC 95%) estimés par modèle logistique et ajustés sur les variables de stratification dans l’enquête (sexe, âge, diplôme obtenu le plus élevé, taille du foyer, taille d’agglomération, région de résidence en France métropolitaine) et la connaissance de personnes infectées dans l’entourage.
Conclusion
Les personnes âgées de 65 ans ou plus sont particulièrement à risque de forme grave de la maladie COVID-19. Le suivi de l’épidémie de SARS-CoV-2 montre une recrudescence des infections chez les adultes jeunes pendant l’été. Cependant, les résultats de cette étude montrent que début juillet la population adulte jeune présentant les taux d’infection les plus élevés est aussi celle qui évite le plus les contacts avec les personnes âgées de plus de 65 ans pour les protéger.
Pour ou contre la chloroquine dans la COVID-19 ?
Dans son avis du 24 mai 2020, le Haut Comité de Santé Publique juge que la balance bénéfice/risque de la chloroquine ou de son dérivé l’hydroxychloroquine n’est pas favorable comme traitement contre la COVID-19. L’(hydroxy)chloroquine n’a pas montré d’amélioration de la survie dans les formes graves de la maladie COVID-19 mais, au contraire, une augmentation du risque d’effets secondaires graves (arythmie ventriculaire). Ce jugement ne serait pas différent aujourd’hui si les données médicales plus récentes étaient prises en compte.
L’indication de l’(hydroxy)chloroquine dans la maladie COVID-19 a suscité de nombreux débats d’experts dès le début de l’épidémie et reste controversée. Du point de vue des autorités sanitaires, l’(hydroxy)chloroquine ne doit plus être prescrite pour la maladie COVID-19 depuis le 27 mai, en ville comme à l’hôpital. Un mois après, l’étude CoVaPred permet d’éclairer le point de vue du grand public.
Après exclusion de 58 (3%) personnes ayant déjà eu la maladie COVID-19 et 245 (12%) personnes ayant déclaré ne pas savoir ce qu’est un traitement à base de chloroquine, l’analyse des réponses des 1 697 (85%) autres personnes montre que :
- 57% des personnes âgées de 18 à 64 ans ne prendraient pas d’(hydroxy)chloroquine pour la maladie COVID-19,
- 43% des personnes restent convaincues des bénéfices individuels de l’(hydroxy)chloroquine en cas de symptômes de la maladie COVID-19.
Une étude plus approfondie des attitudes pour ou contre l’(hydroxy)chloroquine révèle que :
- Les attitudes pro-chloroquine sont encore plus marquées dans la région Sud-Est où les personnes interrogées déclarent deux fois plus souvent « être certain de prendre un traitement à base de chloroquine en cas d’infection » qu’en région Ile-de-France. A noter que les résultats présentés ne seraient pas modifiés par la prise en compte dans l’analyse des personnes ayant déclaré ne pas savoir ce qu’est un traitement à base de chloroquine.
- Une attitude pro-chloroquine est d’autant plus fréquente que les personnes n’ont pas fait d’études.
- Les fumeurs adoptent plus souvent une attitude pro-chloroquine que les non-fumeurs.
- Les personnes ne suivant pas toujours les recommandations vaccinales adoptent aussi plus souvent une attitude pro-chloroquine.
- Dans le contexte de l’épidémie de SARS-CoV-2, une attitude pro-chloroquine est associée à la perception du masque comme surtout utile pour se protéger soi-même, voire inutile.
- Par rapport au reste de la France, les personnes résidant dans le Sud-Est (dont département des Bouches-du-Rhône) adoptent plus souvent une attitude pro-chloroquine.
On peut noter aussi que le sexe, la taille du foyer, les facteurs de risque de maladie COVID-19 grave ou la perception de la gravité de la maladie COVID-19 ne sont pas associés en tant que tel aux attitudes pour ou contre la chloroquine dans la COVID-19.
On peut noter aussi que le sexe, le niveau d’éducation, la taille d’agglomération de résidence ou la région de résidence ne sont pas associés de façon indépendante au comportement d’évitement des proches de plus de 65 ans.
Source : Etude CoVaPred enquête V1 (échantillon représentatif de 2 000 adultes âgés de 18-64 ans interrogés du 26/06 au 03/07).
Note : Odds-ratios (OR) et intervalles de confiance à 95% (IC 95%) estimés par modèle logistique et ajustés sur les variables de stratification dans l’enquête (sexe, âge, diplôme obtenu le plus élevé, taille du foyer, taille d’agglomération, région de résidence en France métropolitaine), le statut de soignant, les facteurs de risque de maladie Covid-19 grave déclarés dans l’enquête (tabagisme, obésité, hypertension, diabète, maladie chronique, grossesse), les antécédents de symptômes évocateurs de la maladie COVID-19 ou de test COVID-19 sans confirmation médicale de l’infection, la connaissance de personnes infectées dans l’entourage et la perception de la gravité de la maladie COVID-19 en cas d’infection.
Conclusion
Fin mai, les autorités sanitaires ont décidé de suspendre la prescription dérogatoire de l’(hydroxy)chloroquine comme traitement contre la COVID-19. Un mois plus tard, les résultats de cette étude suggèrent une adhésion mitigée à cette décision : 43% des personnes âgées de 18 à 64 ans restent convaincues des bénéfices individuels de ce traitement. Les résultats de cette étude suggèrent aussi qu’une attitude pro-chloroquine révèle une opposition globale vis-à-vis des recommandations sanitaires (arrêt du tabac, vaccination, port du masque) exacerbée par le niveau d’éducation et la controverse sociétale.