La rage : la maladie
La rage, une encéphalite virale mortelle
La rage est une encéphalite virale systématiquement mortelle chez l’Homme et les animaux sensibles. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 55 000 personnes décèdent de la rage dans le monde chaque année. Due à l’infection par des Lyssavirus, la maladie est décrite depuis l’Antiquité et reste d’actualité dans de nombreux pays.
Le virus de la rage classique est responsable de la quasi-totalité des cas humains décrits dans le monde. Les morsures, léchages et griffures de chiens sont à l’origine de plus de 99% des contaminations humaines. Les enfants, de par leur taille et leur absence de méfiance vis-à-vis des animaux, sont plus exposés à ces morsures et à la transmission du virus.
Les Lyssavirus présents en Europe sont le virus de la rage classique circulant chez les carnivores en Europe de l’Est et les EBLV1 et 2 (European Bat Lyssavirus 1 et 2) circulant chez les chauves-souris insectivores dans toute l’Europe.
Les EBLV 1 et 2 sont responsables chez l’Homme d’une maladie cliniquement identique à celle due au virus de la rage classique. Cependant, les cas humains dus aux EBVL sont très rares, et seuls 5 cas ont été rapportés dans le Monde depuis la découverte de ces virus.En 2011 en Allemagne puis en 2012 en France, un nouveau Lyssavirus, Bokeloh, a été isolé chez des chauves-souris de l’espèce Myotis nettereri. Son pouvoir pathogène pour l’Homme n’est pas connu. En Espagne, le virus Lleida a été identifié pour la première fois en 2013 chez une autre espèce de chauve-souris (Minopterus schreibersii). Le virus a ensuite été retrouvé en France dans la même espèce en 2017. Là encore, son pouvoir pathogène pour l’Homme n’est pas connu.
Modes d’acquisition de la rage
La rage est une maladie d’inoculation, transmise à l’Homme par morsure, griffure ou léchage par un animal infecté et qui excrète le virus dans sa salive. Le réservoir est quasi-essentiellement constitué par les chiens qui sont estimés à l’origine de 95 % des cas dans le Monde.
Des cas de rage faisant suite à des transplantations d’organes ou de cornée ont été décrits dans le passé, dont 1 en France en 1979. Les mesures de sélection des donneurs d’organes en vigueur en France permettent d’éviter ces situations, en excluant les patients atteints de maladies infectieuses graves du don d’organe. En dehors de ces cas particuliers, la transmission de la rage d’Homme à Homme reste théorique et n’a jamais été démontrée.
Un risque inégal selon les territoires
Les pays d’Europe de l’Ouest, dont la France métropolitaine, sont pour la plupart indemnes de rage terrestre (c’est-à-dire la rage des animaux non volants par opposition à la rage des chauves-souris) au sens de la définition de l’Office International des Epizooties. Le risque pour l’Homme dans ces pays indemnes est représenté d’une part par d’éventuels animaux infectés dans d’autres pays et importés illégalement, d’autre part par les chauves-souris.
En revanche, dans l’Est de l’Europe et dans les Balkans, le risque de rage chez les carnivores n’est pas maîtrisé et des cas sont régulièrement diagnostiqués chez des renards et plus rarement chez des animaux domestiques (chiens principalement).
En France, la Guyane représente une situation particulière : elle partage directement des frontières avec des pays dans lesquels la rage n’est pas maîtrisée (Brésil, Surinam). Le risque de rage en Guyane existe vis-à-vis de carnivores éventuellement arrivés infectés d’un pays voisin. En outre, en Guyane comme dans le reste des Amériques circulent des virus rabiques chez les chauves-souris hématophages (« vampires »). Ces animaux sont responsables de pertes économiques importantes dans le bétail, et de la transmission de la rage à des animaux terrestres et potentiellement à l’Homme. En revanche, les autres territoires ultramarins français n’ont jamais enregistré de cas de rage animale ou humaine.
Dans les continents africain et asiatique, la rage animale n’est pas contrôlée et ces continents connaissent de nombreux cas animaux et humains. Les estimations indiquent que les plus grands nombres de décès annuels dus à la rage se produiraient en Inde (avec 20 000 décès annuels estimés), en Chine, dans le Bassin du Congo et en Afrique de l’Ouest.
Une maladie mortelle
Chez l’Homme, la rage a une incubation moyenne de 20 à 60 jours. Des délais plus courts, de l’ordre de moins d’un mois, ont été observés dans des cas rares de contamination par des morsures multiples, en particulier à la tête. Une incubation beaucoup plus longue a aussi été très rarement observée.
Après inoculation via une morsure, une griffure ou le léchage des muqueuses par un animal excréteur, le virus se multiplie au point d’inoculation, puis atteint le cerveau en cheminant le long des nerfs. Une fois le cerveau atteint, le virus provoque une encéphalite, puis diffuse du virus vers divers organes.
La rage se présente cliniquement comme une encéphalite (inflammation cérébrale) : fièvre, troubles inconstants du comportement, parfois déficits moteurs, convulsions, coma. Deux signes fortement évocateurs sont décrits : aérophobie (intolérance à la sensation de courant d’air) et hydrophobie (répulsion vis-à-vis de l’eau, qui est en fait un spasme du larynx qui empêche la déglutition). Ces signes sont très inconstants.
La maladie progresse inéluctablement vers le décès dans un tableau de coma associé à une défaillance multi viscérale.
Il n’existe aucun traitement efficace contre la rage une fois les symptômes présents. La maladie est alors systématiquement mortelle. Elle peut être cependant prévenue après la contamination par l’administration de vaccins et, le cas échéant, d’immunoglobulines (Cf. infra).
Prévention de la rage
La lutte contre la rage repose sur un ensemble de mesures et d’outils disponibles en santé animale et en santé humaine. A ce titre, la lutte contre la rage en France et en Europe constitue un exemple multidisciplinaire et performant du concept « One Health ».
L’information des voyageurs et la prévention des morsures
La meilleure prévention de la rage reste l’évitement des morsures, griffures et léchage sur les muqueuses ou une peau lésée. Ne pas toucher des animaux au cours d’un voyage, en particulier des chiens, doit être recommandé aux voyageurs pour éviter non seulement la contamination par le virus de la rage, mais également les plaies occasionnées par les morsures ou griffures, et des contaminations par les bactéries présentes dans la bouche et sous les griffes des animaux.
En ce qui concerne la rage particulièrement, le virus est excrété par les animaux contaminés avant l’apparition des symptômes de rage tels que l’agressivité. Le comportement amical d’un chien ne permet donc pas d’exclure un risque de transmission du virus et la recommandation doit être d’éviter les contacts avec des animaux, a fortiori errants, dans les pays où la rage n’est pas maitrisée.
La vaccination des animaux domestiques
En France, la vaccination des animaux domestiques a toujours été pratiquée sur une base incitative, et seuls les animaux voyageant ou séjournant dans des lieux recevant du public [ex. camping] ont l’obligation d’être vaccinés
La vaccination préventive
La vaccination préventive contre la rage est recommandée pour les voyageurs se rendant dans une zone à risque sans accès facile à des structures de soins (zones rurales ou montagneuses, isolées, voyages indépendants, etc.), ainsi qu’aux biologistes manipulant des Lyssavirus et aux personnes en contact fréquent avec des chauves-souris.
Le traitement post exposition
Un aspect très intéressant de la lutte contre la rage est la possibilité de traiter efficacement les personnes après l’exposition au virus, et avant l’apparition des symptômes, à l’aide de vaccins et d’immunoglobulines. Ces traitements post-expositions (TPE) visent à profiter de la longue durée d’incubation pour déclencher une production d’anticorps massive et rapide à partir de l’injection de plusieurs doses vaccinales.
Selon les recommandations de l’OMS, les indications du TPE concernent des personnes exposées à des animaux excréteurs, ou présumés excréteurs, de virus rabique. La recommandation de vaccination, plus ou moins l’adjonction d’immunoglobulines, dépend de la gravité de l’exposition (contact, plaie superficielle, plaie de morsure profonde) et du statut immunitaire du patient.
En France, seuls les centres antirabiques sont autorisés à prescrire un traitement post exposition.