Suicide et tentative de suicide : le phénomène
L'ampleur du phénomène
Les travaux de recherche consacrés à l’étude des conduites suicidaires (Cf. les rapports de l’Observatoire national du suicide - ONS), nous apprennent qu’au-delà des facteurs individuels, les conduites suicidaires sont déterminées par des contextes socio-environnementaux (économie, emploi, milieux de vie, exposition aux violences, isolement, accès aux dispositifs de prévention et de prise en charge) qui influencent fortement le parcours de vie et la santé mentale des individus. Dans cette perspective, le suicide ne peut être réduit à un choix individuel et délibéré. A l’inverse, il est davantage l’expression d’un non-choix, d’une absence d’alternative perçue, visant à mettre un terme à une souffrance ou une situation devenue intolérable.
Le suicide
Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le suicide serait la 14e cause de mortalité dans le monde avec plus d’un million de décès chaque année. D’ici 2030, ce chiffre devrait augmenter de 50 %, faisant du suicide la 12e cause de mortalité. Il s'agit donc d'un problème majeur de santé publique.
En France, 9 300 décès par suicide, dont les trois-quarts concernent les hommes, ont été enregistrés en 2016 (données CepiDc-Inserm). Ils représentant environ 1,5 % de la mortalité en France.
En 2016, le suicide était la première cause de décès chez les 25-34 ans (~19 % des décès totaux) et la deuxième chez les 15-24 ans (15 % des décès totaux). Le taux de suicide augmente avec l’âge, plus fortement chez les hommes que chez les femmes.
Des disparités régionales
Les régions Bretagne, Pays de la Loire, Normandie et Hauts de France, ont des taux nettement au-dessus (>20 %) de la moyenne nationale pour les deux sexes, ainsi que la Nouvelle-Aquitaine pour les hommes et la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire pour les femmes en 2014-2016. A contrario, les taux de mortalité par suicide étaient nettement inférieurs (<20 %) à la moyenne nationale en Ile de France, en Corse et dans les DROM à l’exception de la Réunion.
Les tentatives de suicide
Les données internationales indiquent que les tentatives de suicide (TS) seraient de 10 à 40 fois plus fréquentes que les suicides et représenteraient le facteur prédictif le plus important pour le décès par suicide.
En France, 89 000 hospitalisations pour tentative de suicide ont été enregistrées en 2017, soit un taux de 15,1 pour 10 000 habitants. Un nombre en baisse sur les 10 dernières années.
Globalement, les hospitalisations sont plus élevées chez les femmes que chez les hommes, sauf au-delà de 85 ans, avec un pic observé chez les femmes âgées de 15 à 19 ans et chez les femmes de 40 à 49 ans. A contrario, cela augmente avec l’âge chez les hommes, avec un maximum chez les 40-49 ans, puis diminue chez les 70-74 ans pour remonter ensuite dans les âges extrêmes. En 2017, 7,2 % des 18-75 ans déclaraient avoir tenté de se suicider au cours de leur vie et 0,4 % au cours des 12 derniers mois.
Des disparités régionales
Les régions Bretagne, Normandie, Hauts-de-France, et Bourgogne-Franche-Comté ont des taux d’hospitalisation, entre 2008 et 2017 nettement supérieurs (>20%) aux taux nationaux pour les deux sexes et en Nouvelle-Aquitaine chez les femmes en 2017. Ils sont au contraire nettement inférieurs (<20%) aux taux nationaux en Ile-de-France, Occitanie, Corse et dans les DROM à l’exception de la Réunion.
Les modes opératoires
Du suicide
Le principal mode opératoire de suicide est la pendaison (58 %) devant les armes à feu (13 %) et la prise de médicaments et autres substances (10 %).
Ces modes diffèrent selon le sexe : chez les hommes, la pendaison représente 62 % des suicides et les armes à feu 16 % tandis que chez les femmes, la pendaison (44 %) et la prise de médicaments et autres substances (21 %) sont les modes opératoires les plus fréquents.
Des tentatives de suicide
Les intoxications médicamenteuses volontaires représentent le mode opératoire le plus fréquent des tentatives de suicide suivies d’une hospitalisation (respectivement 87 % chez les femmes et 75 % chez les hommes). Les autres modes opératoires sont des intoxications par des produits non médicamenteux (7 % chez les femmes et 12 % chez les hommes), des lésions par objet tranchant (respectivement 7 % chez les femmes et 8 % chez les hommes) et la pendaison (respectivement 1 % et 4 %).
Les facteurs de risque du suicide et des tentatives de suicide
- antécédents personnels de TS, qui représentent le facteur prédictif le plus important pour le décès par suicide ;
- antécédents familiaux de TS et de suicide ;
- pathologies psychiatriques (troubles de l’humeur, troubles des conduites alimentaires, troubles de la personnalité, troubles psychotiques, troubles liés à l’usage de substances…) ;
- traits de personnalité : faible estime de soi, impulsivité-agressivité… ;
- santé physique : maladies chroniques ou invalidantes, troubles affectant la qualité de vie ;
- histoire personnelle de maltraitance dans l’enfance (violences physiques, psychologiques ou sexuelles) ou de perte d’un parent pendant l’enfance ;
- difficultés économiques ou professionnelles ;
- isolement social, veuvage, séparation ;
- survenue d’un évènement humiliant, avoir été victime de harcèlement ;
- phénomène de « contagion » suite au suicide d’autrui.
Le suicide et les conduites suicidaires, un enjeu de santé publique
Le suicide a été déclaré priorité de santé publique à partir de 1996 et une politique nationale de prévention a été mise en place par les pouvoirs publics. A cet effet, au cours de ces années, des actions de prévention du risque ont été inscrites au travers de plusieurs plans gouvernementaux et programmes nationaux d’actions contre le suicide et les tentatives de suicides. Un Observatoire national du suicide a été mis en place en 2013 (décret n° 2013-809 du 9 septembre 2013) pour coordonner les travaux de surveillance et de recherche dans le domaine du suicide et des tentatives de suicide. Santé publique France est en charge de la coordination des travaux relatifs à la surveillance.
Plus récemment, le ministère chargé de la Santé a fixé des orientations dans sa feuille de route santé mentale et psychiatrie du 28 juin 2018, avec deux objectifs complémentaires :
- un objectif de promotion de la santé mentale et de la prévention des troubles psychiques (du fait des liens étroits entre troubles psychiques et suicide) :
- intervenir en amont, en renforçant les facteurs de protection individuels (développement des compétences psychologiques et sociales, soutien à la parentalité) avec des effets attendus à moyen et long terme,
- promouvoir des milieux de vie et des environnements favorables à la santé mentale (famille, école, travail, accès aux soins et aux dispositifs d’accompagnement).
- un objectif de prévention ciblé sur les personnes les plus à risque (personnes suicidaires avec antécédent de tentative de suicide, ou dépressives).
La stratégie, déclinée dans l’instruction du 19 juillet 2019, est de proposer aux agences régionales de santé, de combiner à l’échelle de leurs territoires un ensemble d’actions repérées comme efficaces dans la littérature scientifique. Il s’agit :
- du maintien du contact avec les personnes ayant fait une tentative de suicide ;
- de la formation au repérage, à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire ;
- de la prévention de la contagion suicidaire ;
- de la mise en place d’un numéro national de prévention du suicide ;
- d’une meilleure information du public.
Liens
- Décret n° 2013-809 du 9 septembre 2013 portant création de l'Observatoire national du suicide
- Décret n° 2018-688 du 1er août 2018 portant création de l'Observatoire national du suicide
- Observatoire national du suicide
- Stratégie nationale de santé
- Feuille de route santé mentale et psychiatrie
- INRS
- Instruction N°DGS/SP4/2019/190 du 10 septembre 2019 relative à la stratégie multimodale de prévention du suicide
- Inserm (dossier d’information)
- OMS Suicides