Résistance aux antibiotiques : données
Les dispositifs de surveillance des résistances aux antibiotiques et de la consommation d'antibiotiques permettent de suivre l’évolution de ces enjeux de santé publique majeurs.
Une légère hausse de la consommation d’antibiotiques à l’hôpital
En 2020, la surveillance des consommations d’antibiotiques par la mission Spares, animée par le CPias Grand-Est et le CPias Nouvelle-Aquitaine, et pilotée par Santé publique France, rapporte une consommation globale des ES participants de 286 doses définies journalières (DDJ) pour 1 000 journées d’hospitalisation (JH). Ce résultat porte sur 1 752 établissements de santé (ES)volontaires, représentant environ 80 % des journées d’hospitalisation (JH) en France.
entre 2019 et 2020 de consommation globale d'antibiotiques
Dans une cohorte de 1 092 ES ayant transmis des données de consommation d’antibiotique en ES en 2019 et 2020, dans un contexte de réduction de l’activité de 8 % en nombre de journées d’hospitalisation (JH), la consommation d’antibiotiques a progressé de 2,1 % en 2020, passant de 300 à 306 DDJ/1000 JH alors qu’elle était stable les années précédentes.
Une consommation d’antibiotiques variable selon les secteurs d’activité
La quantité d’antibiotiques consommée dépend du type d’activité clinique : elle est 2 à 3 fois plus élevée en en réanimation et dans les services de maladies infectieuses (en 2020, respectivement 1 145 et 1 119 doses pour 1 000 journées d’hospitalisation) qu’en médecine ou chirurgie (en 2020, respectivement 452 et 535 doses pour 1 000 journées d’hospitalisation). En effet, les patients hospitalisés dans ces services ont plus souvent besoin d’antibiotiques pour leur traitement. En pédiatrie, les doses utilisées pour traitées un enfant étant plus faibles, l’exposition des enfants hospitalisés est sous-estimée car, par convention, la « dose standard » utilisée pour mesurer les consommations d’antibiotiques est définie pour un adulte de 70 kg (ainsi, une « dose standard » correspond à plusieurs doses enfants utilisées).
Une consommation variable en fonction des antibiotiques
La progression de la consommation pour certains antibiotiques a été plus importante en 2020 que la progression moyenne annuelle des 2 années précédentes pour les macrolides (+35 % vs stabilité), les carbapénèmes (+17 % vs stabilité), les antibiotiques à visée anti-staphylocoque résistant à la méticilline (+15 % vs +7 %), l’association pipéracilline-tazobactam (+13 % vs +7 % en moyenne chaque année), et les céphalosporines de 3e génération (C3G, +10 % vs +0,8 %).
Ces évolutions pourraient être en lien avec le traitement de patients COVID-19 pendant cette période et la plus grande fréquence de surinfections à bactéries multi-résistantes.
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Surveillance de l'antibiorésistance en établissements de santé. Mission Spares. Résultats 2020
Consommation d’antibiotiques en ville : des évolutions encourageantes
Quelle consommation en ville en France en 2020 ?
- La consommation globale des antibiotiques en secteur de ville est estimée en 2020 à 18,1 doses ou 1,82 prescriptions pour 1000 habitants et par jour. Exprimée en DDJ ou en prescriptions, elle augmente régulièrement avec l’âge chez l’adulte. Elle est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (2,1 contre 1,5 prescriptions/1000 hab/j).
- Les antibiotiques les plus consommés en 2020 sont les bêta-lactamines parmi lesquels l’amoxicilline, prescrite en première intention en accord avec les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS).
Quelles évolutions en ville entre 2010 et 2020 ?
- La consommation d’antibiotiques en secteur de ville a connu une baisse régulière et modérée entre 2010 et 2019. En 2020, elle a fortement diminué, principalement en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 qui a entraîné une baisse des recours aux soins courants en ville, et donc moins de prescriptions, en particulier durant le premier confinement. La pandémie a également modifié les comportements individuels et contribué à un renforcement des mesures d’hygiène prévenant les infections bactériennes.
- Les pratiques médicales ont évolué : en cohérence avec les recommandations de bonne pratique, on observe une évolution des types d’antibiotiques prescrits, avec une augmentation de la consommation des bêta-lactamines (pénicillines à large spectre dont l’amoxicilline) et une diminution de la consommation de fluoroquinolones (antibiotiques plus fortement générateurs de résistance).
- Les prescriptions établies par les médecins généralistes sont largement prédominantes (72 % en 2020). Elles ont diminué parallèlement à l’ensemble des prescriptions, ainsi que celles des médecins spécialistes. Les prescriptions des chirurgiens-dentistes (13 % en 2020) qui avaient régulièrement progressé jusqu’en 2019 ont également diminué en 2020.
Des résultats hétérogènes selon les régions
Des disparités de consommation sont constatées au niveau territorial (données accessibles via Géodes). Leur analyse est toutefois complexe. En effet, de nombreux éléments doivent être pris en compte pour interpréter correctement les écarts observés. L’état de santé de la population, l’espérance de vie, l’offre de soins, l’activité médicale mais également la pyramide des âges varient d’une région à l’autre. Ils induisent des recours différenciés au système de soins et donc des niveaux de consommation d’antibiotiques différents. Il faut toutefois noter que si l’on calcule ces consommations régionales à « structure démographique identique », par standardisation directe selon l’âge et le sexe, les résultats sont très proches ainsi que la répartition des régions selon leur consommation d’antibiotiques.
Entre 2010 et 2019, la consommation d’antibiotiques, exprimée en DDJ, est demeurée stable ou en légère diminution dans la plupart des régions ; parallèlement, le nombre de prescriptions a diminué dans presque toutes les régions.
En 2020, quel que soit l’indicateur retenu, la consommation a fortement diminué dans toutes les régions. Les évolutions intra régionales ne diffèrent pas notablement de la tendance observée au niveau national.
Quelle que soit l’année considérée, la consommation d’antibiotiques est toujours plus faible dans les régions d’Outre-Mer. En Métropole, les niveaux de consommation régionale les plus élevés sont observés dans les Hauts-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Ces différences justifient que les actions nationales en faveur du bon usage antibiotique soient déclinées et adaptées pour chaque territoire.
Consommation d'antibiotiques en secteur de ville en France 2010 - 2020
En savoir plusConsommation d’antibiotiques en Ehpad : une première enquête nationale
Les données présentées sont issues d’une enquête nationale réalisée par la Mission SPARES sur la consommation d’antibiotiques des résidents en EHPAD qui disposent d’une pharmacie à usage intérieure (PUI).
Quelle consommation d'antibiotiques en 2020 ?
- La consommation globale dans les EHPAD participants est estimée à 34 Doses Définies Journalières (DDJ) pour 1000 journées d’hébergement (JHeb).
Quelles évolutions entre 2020 par rapport à 2018 ?
- La consommation globale d’antibiotiques a diminué de 12% par rapport à 2018 (34 DDJ/1 000 JHeb en 2020, 38 en 2019 et 39 en 2018).
- La consommation de certains antibiotiques à large spectre, particulièrement générateurs de résistances bactériennes, a diminué entre 2018 et 2020 : les céphalosporines de 3e génération (C3G) par voie orale (-21 %) et les fluoroquinolones (-10 %) dont la norfloxacine (-70 %) et l’ofloxacine (-18 %).
- À l’inverse, des consommations plus élevées étaient observées en 2020 pour la ceftriaxone : +1,2 % alors que la consommation avait baissé de 10 % entre 2018 et 2019 ; la consommation d’azithromycine a presque doublé entre 2019 et 2020. La prise en charge de patients Covid-19, chez lesquels une pneumonie bactérienne a parfois pu être suspectée, explique la progression du recours à la ceftriaxone et à l’azithromycine, en particulier en début d’épidémie.
- L’utilisation d’antibiotiques sous forme injectable, qui représentait 8 % des doses administrées en 2019, est passée à 11 % en 2020. Pourtant, il est recommandé de privilégier la voie orale chaque fois que possible.
Antibiotiques et résistance bactérienne : pistes d'actions pour ancrer les progrès de 2020.
En savoir plusUne vigilance à maintenir sur les infections à entérobactéries résistantes aux antibiotiques
En établissements de santé
En 2020, l’incidence des infections à entérobactérie productrice de BLSE, principal mécanisme de résistance aux céphalosporines de troisième génération (C3G), est de 0,58 prélèvements à visée diagnostique positifs pour 1 000 journées d’hospitalisation (JH). Après 3 années de baisse consécutive, cette incidence repart légèrement à la hausse puisque en 2019 elle était de 0,53/1000 JH.
Cette augmentation est à mettre en parallèle avec les conditions particulières de l’année 2020, marquée par la pandémie COVID-19 et le bouleversement de l’activité hospitalière qui en a découlé.
Ces résultats incitent à maintenir la vigilance et à renforcer les mesures de prévention de la transmission croisée dans les établissements de santé pour réduire la fréquence des infections à Enterobactéries résistantes aux céphalosporines de 3e génération.
Consommation d'antibiotiques et résistances bactériennes en établissement de santé. Données Spares 2020
Résistance aux antibiotiques en 2020 dans 1066 établissements (infographie)
Surveillance de l'antibiorésistance en établissements de santé. Mission Spares. Résultats 2020
Des progrès en ville comme en Ehpad
Baisse de la résistance de la bactérie E. coli aux céphalosporines de 3e génération (C3G) en ville comme en Ehpad
Escherichia coli est la bactérie la plus fréquemment isolée en laboratoire de ville (9 bactéries sur 10) : elle est en particulier responsable d’infections urinaires.
- Chez les patients de ville, après une hausse continue entre 2012 et 2015, la résistance de cette bactérie aux céphalosporines de 3e génération par production de BLSE a baissé entre 2015 et 2018, pour finalement se stabiliser autour de 3% en 2019 et 2020 depuis 2016 (3,4% n 2019).
- En Ehpad, cette résistance est globalement plus élevée qu’en ville. En 2020, 9,2% des E. coli-rices de BLSE.
Evolution entre 2012 et 2020 de la proportion d'E. coli productrices de BLSE chez les patients vivant à domicile et en Ehpad, France
Hausse en ville et baisse en Ehpad de la résistance aux fluoroquinolones
- La résistance aux fluoroquinolones chez E. coli concernait 11,8 % des souches isolées en 2020, en légère hausse depuis 2018.
- Elle diminue en revanche en Ehpad passant de 26,0% en 2015 à 16,9 en 2020.
Ces résultats montrent que la lutte contre l’antibiorésistance reste un enjeu majeur de santé publique.
Evolution entre 2012 et 2020 des taux de résistance aux fluoroquinolones chez E. coli chez les patients vivant à domicile et en Ehpad, France
Surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques en soins de ville et en établissements d'hébergement pour personnes âgées d...
En savoir plusLa situation européenne
Au niveau européen, des données sont disponibles à travers le réseau EARS-Net pour deux espèces d’entérobactéries : E. coli, (entérobactérie présente dans le tube digestif et fréquemment responsable d’infection, au premier plan desquelles l’infection urinaire) et chez K. pneumoniae.
Dans ces deux espèces bactériennes, la proportion de résistance aux céphalosporines de 3ième génération a fortement augmenté depuis 2006.
En 2020, la proportion moyenne (pondérée par la population des pays participants au réseau) de résistance aux C3G chez Escherichia coli est de 14,9%. Avec 9,5%, la France se situe sous la moyenne européenne. Sur la période 2016-2020, la proportion moyenne européenne de résistance aux céphalosporines de 3e génération chez E. coli a significativement diminué de 15,7% à 14,9%. En France, la tendance est également à la diminution puisque en 2016, la proportion était de 11,2%.
Concernant Klebsielle pneumoniae, la proportion moyenne (pondérée par la population des pays participants au réseau) de résistance aux C3G est de 33,9%. Sur la période 2016-2020, la proportion moyenne européenne de résistance aux céphalosporines de 3e génération chez K. pneumoniae est en légère baisse (34,7% en 2016). En France, la tendance sur les 5 dernières années est également à la baisse, avec 28,9% en 2016 et 27,8% en 2020.
Une diminution constante de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM)
La situation est plus favorable pour le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) puisqu’on constate une diminution constante des infections à SARM entre 2003 et 2019.
En 2020, la mission Spares rapporte une incidence des infections à SARM de 0,17 infections à SARM pour 1000 journée d’hospitalisation (JH), identique à celle de 2019. La tendance à la diminution visible depuis les 20 dernières années est donc stoppée en 2020, mais là encore ces résultats doivent s’interpréter à la lumière des conditions particulières de l’année 2020, marquée par la pandémie COVID-19 et le bouleversement de l’activité hospitalière qui en a découlé.
Consommation d'antibiotiques et résistances bactériennes en établissement de santé. Données Spares 2020
Résistance aux antibiotiques en 2020 dans 1066 établissements (infographie)
Surveillance de l'antibiorésistance en établissements de santé. Mission Spares. Résultats 2020
Au niveau européen, le réseau EARS-Net rapporte une proportion moyenne (pondérée par la population des pays participants au réseau) de résistance à la méticilline chez le staphylocoque doré égale à 16,% en 2020. Avec 12,1%, la France se situe légèrement sous la moyenne européenne. Sur la période 2016-2020, la proportion moyenne européenne de résistance la méticilline chez le staphylocoque doré a significativement diminué de 19,3% à 16,7%.
Risque d’impasse thérapeutique: les bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes
Les bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe) sont des bactéries présentes naturellement dans le corps humain, qui sont devenues résistantes à quasiment tous les traitements antibiotiques utilisés habituellement pour les traiter. Il devient alors très difficile, voire impossible de traiter le patient qui présente une infection à BHRe.
Deux types de bactéries sont définis comme BHRe : les entérobactéries productrices de carbapénèmases (EPC), et Enterococcus faecium résistant aux glycopeptides (ERG). Il existe en France des recommandations particulières de prise en charge des patients infectés ou porteurs d'une BHRe, dont l'actualisation a été publiée en janvier 2020.
Chaque année, Santé publique France réalise un bilan sur la situation des BHRe en France, à partir des données du signalement externe des infections associées aux soins.
Depuis 2012, le nombre de signalements rapportant une EPC ou un ERG est en augmentation constante. Cependant, dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, l’année 2020 a été marquée par une diminution importante des signalements d’EPC (- 38%) et de ceux d’ERG (- 45%).
Ainsi, 1 352 épisodes d’EPC correspondant à 1 688 cas et 196 épisodes d’ERG concernant 327 cas ont été signalés, en 2020. .Le CNR a observé le même phénomène de diminution importante des souches à analyser. Bien que le nombre d’infections rapportées reste faible, le CNR dédié aux EPC relève une augmentation continue, depuis 2012, des souches responsables d’infections.
Des disparités régionales marquées sont observées avec des différences de mises en œuvre des mesures de contrôle dans les établissements, selon le contexte épidémiologique de la COVID 19 contraignant plus ou moins les ressources, la priorité étant donnée aux mesures de prévention et de contrôle de la COVID 19. La moindre application des Précautions complémentaires Contact (PCC) et la diminution de la part des dépistages relevées, à partir des données du signalement, font craindre une sous estimation de la diffusion des EPC et des ERG en établissement de santé.
Afin d’estimer l’évolution récente des épisodes impliquant des EPC en France, Santé publique France produit chaque année un bilan actualisé des signalements reçus concernant cette BHRe.
- Mesures prises en 2018 par les établissements de santé pour BHRe
- Emerging extensively drug-resistant bacteria (eXDR) in France in 2018
- Situation épidémiologique en 2018
- Situation épidémiologique du 31 décembre 2016
- Situation épidémiologique du 31 décembre 2015
- Situation épidémiologique au 4 septembre 2015
- Situation épidémiologique au 4 mars 2015
- Situation épidémiologique au 4 septembre 2014
- Situation épidémiologique au 14 mars 2014
- Situation épidémiologique au 16 septembre 2013
- Situation épidémiologique au 1er avril 2013
- Situation épidémiologique au 3 octobre 2012
- Situation épidémiologique au 18 mai 2012
- Situation épidémiologique au 16 janvier 2012
- Situation épidémiologique au 27 septembre 2011
- Situation épidémiologique au 23 juin 2011
- Situation épidémiologique au 11 avril 2011
- Situation épidémiologique au 7 janvier 2011
- Situation épidémiologique au 4 octobre 2010
Ces données sont à mettre en parallèle de celles disponibles dans les réseaux de surveillance : les données françaises du réseau EARS-net montrent une proportion de résistance aux carbapénèmes chez les entérobactéries isolées d’hémoculture ou de LCR qui se maintient à moins de 1% depuis plusieurs années.
Les EPC et les ERG ne sont responsables que de peu d’infections graves en France. La dernière enquête de prévalence des infections associées aux soins en établissements de santé (ENP) rapportait également qu’en 2017 0,65 % (IC95% [0,26-1,60]) des entérobactéries testées étaient résistances aux carbapénèmes, soit une prévalence des patients infectés par des souches résistantes aux carbapénèmes égale à 0,01% (IC95% [<0,01-0,03]). Concernant les ERG, la proportion de résistance aux glycopeptides chez les souches isolées d’hémoculture est là encore inférieure à 1%. De même, l’ENP montre une proportion de résistance aux glycopeptides 5,07% (IC95% [2,16-11,43]) parmi les souches de E. faecium. Ceci correspond à une prévalence de patients infectés à E. faecium résistants aux glycopeptides inférieure à 0,01%.
Cette situation est possible grâce à la promotion de la stratégie « search and isolate », mise en place dans les établissements de santé français, suite aux recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) actualisées en 2020 (parues initialement en 2013), afin de prévenir la diffusion des BHRe. Mais, les dernières données du CNR de la résistance aux antibiotiques nous invitent à rester vigilants. Les efforts de maîtrise de la diffusion des EPC et des ERG dans les établissements de santé restent d’actualité et doivent même être renforcés, d’autant que d’une manière plus générale, la stratégie de dépistage semble s’infléchir en 2020, en contexte de pandémie Covid19, laissant craindre une diffusion à bas bruit des BHRe.
Données de résistance chez les autres pathogènes usuels
Le tableau ci-dessous reprend les données actualisées disponibles pour les principales espèces bactériennes pathogènes de l’homme faisant l’objet de dossiers thématiques spécifiques. Les phénomènes de résistances chez ces espèces revêtent un intérêt de santé publique au vu des échecs thérapeutiques dont ils peuvent être responsables.
Les données reprises ici sont principalement issues des réseaux de surveillance animés par les CNR en lien avec Santé publique France.
Les souches bactériennes résistantes aux antibiotiques sont des souches pour lesquelles il existe une forte probabilité d’échec thérapeutique quel que soit le type de traitement et la dose d’antibiotique utilisée. Les seuils de résistances aux différents antibiotiques pour chaque espèce bactérienne sont définis chaque année par le comité de l’antibiogramme de la société française de microbiologie (CA-SFM). Néanmoins, des seuils de résistance différents peuvent être retenus afin de disposer de données comparables aux données internationales (cf. Neisseria gonorrhoeae). Pour les antifongiques, les seuils d'interprétation utilisés par le CNR sont ceux définis par le CLSI (clinical and Laboratory standard institute) en attendant ceux du comité EUCAST.
Le fardeau des infections à bactéries résistantes aux antibiotiques en France et en Europe
Faire prendre conscience de l’impact en santé publique de la résistance aux antibiotiques est complexe : les systèmes de surveillance ciblent des couples bactéries/antibiotiques spécifiques, et sont même parfois restreints à des types de prélèvements. Difficile de faire comprendre à un public non professionnel ce que représente, par exemple, l’incidence des prélèvements diagnostics positifs à SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline), l’un des couples bactéries/antibiotiques le plus fréquemment rencontré en milieu hospitalier. Il est donc nécessaire de disposer d’indicateurs complémentaires, permettant d’aborder le sujet d’une manière globale et plus facilement appréhendables par tout le monde. C’est l’objet de cette étude européenne, coordonnée par le European Center for disease prevention and control (ECDC), à laquelle Santé publique France a participé, qui avait pour objectif d’estimer un nombre de cas, un nombre de décès et un nombre de DALY (Disability adjusted life years) attribués aux infections à bactéries multirésistantes en Europe. L’indicateur DALY prend en compte le nombre total d’années perdues à cause d’un décès ou d’une incapacité, ici à la suite d’une infection à bactérie multirésistante. Il a donc l’intérêt de tenir compte de la durée de vie impactée par une maladie avant le décès. L’Organisation mondiale de la santé l’utilise dans d’autres études sur l’impact global des maladies. Il est donc possible de comparer le poids des maladies entre elles, ce qui peut aider à prioriser les actions de prévention.
L’étude Burden
Avant l'étude européenne, une étude française avait déjà été réalisée par Santé publique France pour estimer le nombre de cas et le nombre de décès liés à des infections à bactéries multirésistantes survenus en France en 2012.
L’étude Burden BMR réalisée par Santé publique France en 2014-2015 avait pour objectif d’estimer le poids en santé publique (morbidité, mortalité) des infections à bactéries multirésistantes en France. 7 bactéries multirésistantes ont été retenues pour cette étude : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), entérocoques résistants à la vancomycine, Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae résistant aux céphalosporines de 3e génération (C3G), K. pneumoniae, Acinetobacter spp. et Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes. L’incidence des infections invasives dues à ces BMR (données EARS-Net, 2012) a été redressée et extrapolée aux autres sites infectieux, et la mortalité attribuable à ces infections estimée en utilisant des ratios issus de la littérature.
Trois chiffres clés à retenir :
- 158 000 cas d’infections à BMR par an en France, dont 16 000 infections invasives (infections graves : méningites, bactériémies, septicémies) ;
- 12 500 décès associés à ces infections ;
- l’étude Burden BMR confirme que le poids des infections à BMR est très important ; les infections à SARM et entérobactéries résistantes aux C3G en représentent la plus grande part (deux tiers du total des infections recensées).