De la nécessité de disposer d’un indicateur de mortalité maternelle
Une mort maternelle constitue un décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou jusqu’à 1 an après l’accouchement. En France cet évènement est devenu rare mais est reconnu comme un indicateur de surveillance de la santé maternelle et donne une information non seulement sur le risque attribuable à la grossesse et à l’accouchement, mais aussi sur la performance du système de soins. Cette surveillance est confiée au Comité national d’experts sur la mortalité maternelle (CNEMM), sous la responsabilité scientifique de l’équipe Epopé de l’Inserm. Il est constitué de gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, sages-femmes, spécialiste de médecine interne et épidémiologistes, et a été placé depuis 2014 sous la tutelle de Santé publique France.
La méthode de recueil et d’analyse des données que propose l’ENCMM permet d’évaluer les conditions de survenue de la mort maternelle et d’estimer la proportion de morts évitables sur une période de trois ans. Pour cette édition du rapport le dispositif a évolué. Le périmètre géographique d’analyse de la mortalité maternelle a été élargi avec l’inclusion de Mayotte. Conformément aux recommandations internationales1 les suicides ont été inclus parmi les décès classés comme morts maternelles.
Plus de la moitié des décès considérés comme potentiellement évitables
262 décès maternels ont été identifiés entre 2013 et 2015 en France, ce qui représente 87 femmes décédées par an d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, 1 tous les 4 jours en moyenne. Le ratio de mortalité maternelle – RMM - 10,8 décès pour 100 000 naissances vivantes est stable par rapport aux deux périodes de surveillance précédente (2010-2012 et 2007-2009) et se situe dans la moyenne Européenne.
Les maladies cardiovasculaires et les suicides, sont les deux premières causes de mortalité : les maladies cardiovasculaires sont responsables de 36 décès sur la période, soit 13,7% des morts maternelles et le suicide devient la deuxième cause de mortalité maternelle, avec 35 suicides, environ 1 par mois, soit 13,4% des morts maternelles.
Par ailleurs, pour la première fois depuis la première enquête confidentielle, les hémorragies obstétricales ne sont plus la première cause de mortalité maternelle et la fréquence de cette cause de décès a été diminuée par 2 en 15 ans. Cette amélioration majeure montre que l’alerte donnée par les premiers résultats de l’ENCMM, montrant une contribution élevée des hémorragies à la mortalité maternelle, a permis une mobilisation efficace de l’ensemble de la communauté obstétricale pour en améliorer la prise en charge. L’embolie amniotique est la 3ème cause de mortalité sur cette période, responsable de 28 morts maternelles, à un niveau stable par rapport à la dernière période.
Selon l’enquête, dans 66% des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux et 58% des décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables » en améliorant la prévention, l’organisation des soins, et les soins eux-mêmes.
Des facteurs de risques marqués par les inégalités
Le risque de mortalité maternelle est plus élevé selon :
- l’âge des femmes : par rapport aux femmes âgées de 25-29 ans, le risque est multiplié par 1,9 pour les femmes âgées de 30-34 ans, par 3 pour celles âgées de 35-39 ans, et par 4 à partir de 40 ans ;
- la présence d’une obésité : parmi les morts maternelles, 24,2 % sont survenues chez des femmes obèses, soit une proportion deux fois plus grande que dans la population générale des parturientes.
Les résultats de l’enquête montrent également qu’il existe de grandes disparités sociales et territoriales :
- le contexte social : 26,5% des morts maternelles sont survenues chez des femmes présentant au moins un critère de vulnérabilité socio-économique ; cette proportion est d’environ 40% pour les femmes décédées de suicides ou de maladie cardiovasculaire ;
- le pays de naissance : être née hors de France est un facteur de risque reconnu de mortalité maternelle au cours de la période 2013-2015. La mortalité des femmes migrantes est plus élevée que celle des femmes nées en France, surmortalité particulièrement marquée pour les femmes nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 2,5 fois celui des femmes nées en France ;
- le lieu de résidence : deux zones se distinguent par un niveau de mortalité maternelle (RMM) plus élevé, disparité déjà présente lors du précédent rapport : les DOM et l’Île-de-France. Les femmes résidant dans les DOM présentent un risque de mortalité maternelle multiplié par 4,0 par rapport à celles de métropole. En France métropolitaine, l’Île-de-France se distingue avec un RMM supérieur de 55% à celui de l’ensemble des autres régions.
Ces disparités étaient déjà remarquées depuis les deux rapports précédents.
Trente messages-clés pour améliorer les soins et éviter les décès
Le Comité d’experts a formulé 30 messages-clés à destination des professionnels de santé, mais aussi des femmes et de leur famille et des décideurs ciblant des éléments à améliorer, identifiés de façon récurrente dans le parcours des femmes décédées, dont on peut citer les plus généraux :
- l’importance de l’examen médical non strictement obstétrical de la femme enceinte et la recherche d’antécédents psychiatriques et addictologiques, et d’une vulnérabilité sociale ;
- l’évaluation des risques de complications avant la conception et en début de grossesse qui doit permettre une planification de la prise en charge de la grossesse individualisée.
De plus, le Comité recommande la réalisation d’examens post-mortem systématiques en cas de mort maternelle sans cause identifiée.
1 The WHO application of ICD-10 to deaths during pregnancy, childbirth and puerperium - 2012.